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Succession de peines de prison pour l'avocat tunisien Nejib Hosni

LE MONDE | 26.01.01 | 15h30

L'AVOCAT Nejib Hosni, quarante-six ans, a été condamné, mardi 23  janvier, à une nouvelle peine de quinze jours de prison ferme pour avoir contrevenu à une «  interdiction de plaider  » en assurant la défense, enseptembre 2000  , d'un habitant du sud tunisien, chômeur forcé et sympathisant islamiste, Ali Sgraier. Celui-ci, un mois plus tôt, avait proposé à la vente deux de ses sept enfants au marché aux bestiaux de Douz pour tenter d'attirer l'attention sur sa situation désespérée.

Fin décembre, Nejib Hosni avait déjà été condamné à quinze jours de prison après avoir plaidé en faveur d'un groupe de prisonniers en grève de la faim à Tunis. Au terme de cette peine, l'avocat était resté en détention à la prison du Kef, les autorités tunisiennes ayant décidé, le 5  janvier, de lever la mesure de liberté conditionnelle dont il avait bénéficié il y a quatre ans. En décembre 1996, Hosni était sorti de prison après deux ans et demi passés sous les verrous, en vertu d'une condamnation à huit années de détention, pour une affaire de droit commun. Une accusation «  montée de toutes pièces  », selon son entourage et ses confrères, et qui lui avait valu d'être considéré comme prisonnier d'opinion par Amnesty International.

Nejib Hosni avait retrouvé la liberté en décembre 1996, mais une liberté toute relative. Soumis à une surveillance policière constante, cet avocat renommé n'avait jamais récupéré son passeport ni sa ligne téléphonique, et était interdit d'exercer son métier. Hosni savait surtout qu'il pouvait à la moindre incartade être renvoyé derrière les barreaux et purger le reste de la peine à laquelle il avait été condamné.

En dépit de ce risque, il allait prendre durant l'année 2000  des initiatives ressenties par le pouvoir comme des provocations. En avril, il décidait de recommencer à plaider, avec l'accord écrit du bâtonnier du Conseil de l'ordre. Et cela malgré l'interdiction qui lui en avait été faite par ses juges, au mépris de la législation tunisienne. La loi du 7  septembre 1989  stipule en effet que seul le Conseil de l'ordre des avocats peut décider si l'un de ses membres doit être radié ou suspendu du barreau. Plus lourd de conséquences  : le 25  juillet 2000, jour de la fête de la République tunisienne, Hosni publiait un communiqué stigmatisant l'absence de libertés dans le pays. Par ce geste, il scellait son sort...

Lauréat de nombreux prix, notamment du prix américain du Comité des juristes défenseurs des droits de l'homme et du prix Ludovic Trarieux de l'Institut des droits de l'homme du barreau de Bordeaux, Nejib Hosni symbolise, pour tous ceux qui l'ont approché, la défense de la dignité humaine, des faibles et des opprimés. Avocat de tous, aussi bien des syndicalistes et des démocrates que des islamistes ou des communistes, il n'a jamais cessé de se déplacer partout sur le territoire tunisien pour exercer un métier auquel il s'identifie totalement.

UN DOSSIER POLITIQUE

Ce père de cinq enfants dont les plus jeunes -  des jumelles  - ont moins d'un an, est l'un des membres fondateurs du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT, interdit) auquel appartiennent des figures emblématiques telles que le docteur Moncef Marzouki et le journaliste Taoufik Ben Brik.

«  Le régime s'acharne contre Nejib Hosni depuis 1994  et son dossier est politique depuis le début, souligne la responsable du Maghreb à Amnesty International à Paris, Donatella Rovera, qui connaît bien l'avocat. Mais les persécutions dont il est l'objet n'ont jamais donné de résultats, au contraire. C'est un homme têtu, courageux et généreux. Rien ne le fera taire ni plier. C'est pour cette raison que les autorités tunisiennes tiennent tant à le maintenir en prison.  »

Florence Beaugé

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