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Le président Ben Ali dénonce les "ingérences" dans les affaires tunisiennes

LE MONDE | 21.03.01 | 13h36

DANS un discours prononcé mardi 20 mars, à l'occasion du 45e anniversaire de l'indépendance, le président Ben Ali a assuré que la Tunisie s'était employée à "jeter les bases de l'Etat de droit"et qu'elle était "le pays de la modération et de la tolérance, le pays des droits de l'homme".

Devant cinq mille personnes environ, le chef de l'Etat tunisien a réitéré son refus de "nouvelles formes d'ingérence" dans les affaires intérieures de son pays, répondant ainsi aux ONG et à plusieurs pays, dont la France, qui dénoncent de façon répétée la multiplication des atteintes aux libertés en Tunisie.

Sans évoquer directement la Journée mondiale de la francophonie, célébrée le même jour, le président Ben Ali a par ailleurs souligné l'importance du français, première langue étrangère en Tunisie, devant l'anglais. Il y a un an, une circulaire gouvernementale rappelant l'obligation d'utiliser l'arabe dans les échanges administratifs avait soulevé une relative émotion de part et d'autre de la Méditerranée, certains craignant une mise à l'index de la langue française.

A l'occasion du 20 mars, l'opposition tunisienne (non reconnue) avait choisi, elle aussi, de faire entendre sa voix. En moins de quarante-huit heures, deux pétitions et une déclaration ont été rendues publiques via Internet et la presse étrangère. La première d'entre elles, et la plus remarquée, est venue, dimanche, d'une centaine de personnes de la société civile, des universitaires pour la plupart, conduits par le juriste et ancien ministre de l'éducation nationale, Mohamed Charfi, lequel sortait publiquement de sa réserve pour la première fois.

"DÉRIVE SANS PRÉCÉDENT"

Dénonçant " la dérive sans précédent du régime" et le pouvoir "personnel et absolu"en place à Tunis, ces personnalités modérées, inconnues du grand public pour la moitié d'entre elles, lançaient une mise en garde contre la tentation du président Ben Ali d'effectuer un nouveau mandat, en 2004. Une telle hypothèse, expliquaient-ils, reviendrait à ouvrir la voie au chef de l'Etat à la présidence à vie. Aux côtés de Mohamed Charfi, les noms de Larbi Chouikha, universitaire, ou Abdelletif Fourati, journaliste, notamment, ont créé la surprise.

Lundi, ce sont les opposants Mohamed Moaada (président de l'ex-Mouvement des démocrates socialistes, MDS) et Rached Gannouchi (chef du mouvement Ennadha, islamiste, interdit) qui ont lancé un appel conjoint, invitant à la formation d'un "front patriotique et démocratique", destiné notamment à s'opposer à une éventuelle nouvelle candidature de M. Ben Ali à l'élection présidentielle de 2004.

Mardi enfin, sous la houlette du docteur Mustapha Ben Jaafar, quelque trois cents personnalités de la société civile ont publié une pétition proposant des mesures pour sortir du "sous-développement politique" dans lequel est actuellement plongée la Tunisie, "en contradiction totale avec l'évolution du peuple tunisien".

Sont réclamés une amnistie générale, l'abrogation des lois "qui étouffent les libertés publiques et individuelles", un véritable pluralisme politique, ainsi qu'une séparation effective entre les appareils de l'Etat et le parti au pouvoir (le Rassemblement constitutionnel démocratique, RCD). Autant de mesures qui constitueraient la plate-forme indispensable à l'organisation des élections présidentielle et législatives de 2004.

Pour procéder à l'évaluation de la situation de la Tunisie depuis l'indépendance et envisager l'avenir, les pétitionnaires suggèrent la tenue d'une conférence rassemblant tous les démocrates du pays. Outre Mustapha Ben Jaafar, on retrouve au bas de ce manifeste les signatures du docteur Moncef Marzouki, de l'historien et spécialiste de l'islam Mohamed Talbi, du syndicaliste Ali Ben Romdhane, ainsi que de nombreuses femmes de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD).

Florence Beaugé

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