dim. 30.09.01 20:04 - Cher ami,
Ci -joint en attach� et comme promis le texte sur l'adolescence. Je ne suis pas s�r qu'il correspond � votre attente. Dans ce cas n'h�sitez pas � le jeter. Ma propre corbeille d�borde de textes avort�s. On y ajoutera celui l�. En fait c'est un texte d'humeur pour ne pas dire de mauvaise humeur. Et pour cause il a �t� �crit entre le 11 septembre -date ou notre monde fou � fait encore �talage de sa d�mence et le 29 du m�me mois. A cette date le tribunal doit statuer en appel sur une peine d'une ann�e de prison que je ''dois'' � la dictature � cause de mes mauvaises mani�res d�mocratiques. Si vous ajoutez � cela le fait que la police politique campe jour et nuit devant ma maison et que ses agents me suivent m�me quand je vais me promener sur la plage, vous avez le tableau expliquant -mais n'excusant nullement- le texte. Dans tous les cas de figure merci pour votre confiance. Moncef Marzouki
Dangereuse adolescence : Persiflage et grincements de dents
Il y a quelques ann�es l'un de mes jeunes assistants se proposa de diriger une th�se sur l'agressivit� chez les adolescents. J'ai la faiblesse de croire que l'adolescence est une �tape importante dans la domestication de la violence, autrement plus r�pandue dans la ch�rubine enfance.
Aussi lui sugg�rais -je d'�tudier plut�t l'agressivit� chez les professeurs de notre ch�re facult�, proposition qu'il rejeta cat�goriquement, probablement parce que contrairement aux adolescents, les professeurs, eux, si�gent dans les concours d'agr�gation.
J'ai fini par acquiescer en exigeant qu'on parle prudemment de comportement � risque. En r�alit� j'�tais int�ress� par observer l'observation elle-m�me, suivre ce processus fascinant de validation des pr�jug�s par de la pseudo-science � ph�nom�ne h�las plus courant qu'on le croit.
Voil� mon jeune directeur de th�se et sa victime, fiers d'exhiber le jour de la soutenance, des r�sultats indiscutables et chiffr�s selon lesquels les gar�ons, et ce de fa�on statistiquement significative, sont plus agressifs que les filles. On apprend qu'au moins 30,7%de l'�chantillon s'est fait casser la gueule au moins une fois par les copains. Heureusement le taux de participation aux bagarres passe de 34,2% entre 17-18ans � 16,6 % � 21 ans, ce qui est plut�t rassurant.
Mais les adolescents ne sont pas que des exo-agresseurs, s'en prenant � leurs copains, professeurs, parents et autres agents de l'autorit� sociale.
Ce sont d'affreux endo-agresseurs, qui ne trouvant personne � qui s'en prendre, s'attaquent � eux-m�mes.
L�, c'est la sp�cialit� des filles. Trop faibles et trop l�ches pour cogner sur les gar�ons professeurs et policiers, elles cognent sur leur propre ego.
C'est ainsi que 24,2% ont pens� � �liminer le dit ego, 8,8% sont pass� � l 'acte, et m�me plusieurs fois pour 1,5%.
Je vous �pargne les pourcentages scandaleux des autres comportements auto-destructeurs : Usage des stup�fiants, de l'alcool, du tabac, des rapports sexuels non prot�g�s.
Le th�sard r�sume sa vision dans ce qui est le credo social, enfin prouv� scientifiquement : '' les probl�mes psychosociaux des jeunes sont la r�sultante d'un style de vie caract�ris� par une consommation abusive des drogues, une sexualit� anarchique non responsable et une agressivit� destructrice ''.
Il y a de vagues allusions dans la conclusion � notre pays jadis ''culturellement prot�g� contre ces troubles de conduites''.
On devine le non-dit � propos de nos ch�res valeurs arabo-musulmanes qui foutent le camp et de notre beau pays ouvert � tous ces touristes �trangers qui nous apportent si peu de devises, mais tellement de Sida et autres MST.
Incommensurable et universelle b�tise de cet inusable discours que je ne qualifierai pas de droite de peur de blesser certains lecteurs mais que je qualifierais prudemment d'auto-satisfait et de rassurant � peu de frais ! ! !
Voil� donc camp� le portrait-robot de l'adolescent imaginaire. On peut maintenant travailler ind�finiment sur la maquette pour en pr�ciser encore les contours et traiter le probl�me par le plus mauvais bout.
Mon th�sard se prend les pieds dans les ''recommandations''. Il est dans une phase de ''Yaquisme aigu ''Pour en finir avec l'agression contre soi et les autres si fr�quentes � cet �ge ''y'� qu'� ''former les parents, �duquer les �ducateurs, mettre plein de policiers devant les lyc�es et plein de psychologues � l'int�rieur etc
Pendant que les coll�gues du Jury discutent doctement des mesures � prendre, et que mon jeune assistant r�ve en secret � une chaire d'adolescentologie clinique, je me mets � peaufiner mes propres solutions.
Puisque tout le monde fonctionne en permanence � la lisi�re de l'imaginaire et que rien n'est plus r�el chez les humains que le fantasme, je ne vois pas pourquoi je m'interdirais de fonctionner sur le m�me registre.
Ayant eu � supporter, comme tout le monde, ma propre adolescence ainsi que celle de mes enfants, amateur de solutions radicales, d�finitives et peu co�teuses, j'ai cherch� durant des ann�es une m�thode, � laquelle j'esp�re qu'on donnera mon nom, qui pourrait nous d�barrasser � la fois du probl�me, donc de l'adolescence, mais aussi de ceux qui en sont la cause, � savoir les adolescents.
Mes recherches convergent toutes vers une seule solution : l'Azote liquide.
Je suis �tonn� que personne n'y ait pas pens� avant moi. Pourtant c'est simple comme bonjour. Il s'agit tout b�tement de congeler les enfants d�s l'approche de la p�riode critique et de les remettre en circulation quelques ann�es plus tard.
Qu'on ne vienne pas me dire qu'avec la taille qu'ils ont, il est mat�riellement impossible de les faire tenir dans le cong�lateur familial, et que si on en a deux sur les bras, la chose devient franchement infaisable. Je rejette cet argument d'un revers de main agac�.
D'abord qui a parl� de congeler les adolescents dans le cong�lateur familial dont je sais qu'on en a besoin pour des fonctions plus importantes.
Non bien s�r, c'est dans des grands cong�lateurs municipaux qu'il faut les entreposer le temps que disparaissent acn�, angoisse, d�prime, sale caract�re, manque de respect pour les anciens et leurs voitures, envie de cannabis et d�sir de chahuter les agents de l'ordre et les professeurs de philosophie.
Ainsi on irait, bien avant la concr�tisation de la menace, d�poser l'enfant au ''congelado '' municipal (contre re�u bien entendu )et On viendrait le r�cup�rer frais et dispos d�s l'atteinte de l'�ge de raison (sic).
Qu'on ne vienne pas me dire non plus qu'avec leur sale caract�re oppositionniste, ils pourraient refuser de suivre gentiment leurs parents. Tout le monde sait que les adolescents sont dispers�s dans les maisons, et donc qu'on peut donc les attraper un � un facilement. De plus il y a heureusement le plus souvent deux adultes contre un jeune freluquet. On peut soit se jeter sur lui � la descente du lit pour lui enfiler la camisole de force, soit lui mettre un somnif�re dans son chocolat s'il s'agit d'une fille.
Aux esprits chagrins qui m'objecteraient les co�ts exorbitants des milliers de Cong�lado, je soumettrais mes premiers calculs de co�t b�n�fice montrant de fa�on irr�futable le c�t� hautement �conomique de mon projet.
Il y a d'abord le coup de fouet au march� de l'emploi par la cr�ation de tout un secteur nouveau d'activit�. Il y aussi les �conomies sur les arr�ts de maladie des professeurs de philosophie, les antid�presseurs des parents, la baisse des vols � la tire et des destructions des voitures � Strasbourg, sans parler du coup fatal port� au march� de la drogue et de l'inf�me cacophonie qu'ils appellent musique.
Pour ceux qui trouvent inacceptables qu'un tel probl�me puisse �tre abord� avec la mentalit� des boutiquiers (alors que je ne fais qu'essayer d'�tre un homme de mon temps soumis � la volont� et respectueux de la D�esse �conomie); pour ces d�tracteurs l�, je dis que ma solution poursuit un objectif autrement plus noble que de faire ou d'�conomiser de l'argent.
Non messieurs, ma m�thode veut d'abord prot�ger notre soci�t� contre un ennemi autrement plus dangereux que le terrorisme, certes plus violent mais n�anmoins ponctuel, alors que la menace des adolescents bien que diffuse et moins spectaculaire n'en est pas moins permanente et surtout comme la mer toujours recommenc�e.
D'ailleurs quels meilleurs arguments pour faire financer les Cong�lado publics que les r�sultats de mon th�sard corrobor�s par toute la litt�rature ? On peut �videmment ricaner b�tement de ma solution arguant des nombreuses faiblesses th�oriques qui la sous-tendent.
Il y a d'abord l'objection de l'adolescent '' normal''(quelqu'un va-t-il enfin me dire ce que veut dire ce mot ). Personnellement, je n'en ai pas rencontr�, mais cela doit exister en cherchant bien.
J'avoue que l'id�e de faire congeler des innocents est tout simplement insupportable au grand militant des droits de l'enfant que je suis.
Mais il y a pire. L� je vais donner courageusement des armes � mes adversaires.
En effet, le ''cong�lado'' en tant que solution finale de cet aga�ant probl�me, n'a de sens que si l'adolescence voulait bien �tre conforme � son portrait imaginaire, � savoir une perturbation des attitudes et des comportements, trouvant son explication dans des chambardements physiologiques propres aux grandes phases de transition du devenir humain, donc obligatoire et passag�re.
Qui plus est, il faut qu'elle soit une �tape plus ou moins difficile coinc�e entre ces deux p�riodes saines et tranquilles de la vie que sont la ch�rubine enfance et la conqu�rante jeunesse.
Envisageons la terrible possibilit� que cela puisse �tre totalement faux et que nous interposons en fait une adolescence imaginaire entre une enfance et une jeunesse qui ne le sont pas moins.
Reprenons le sujet de notre th�se et consid�rons chez ces jeunes perturb�s, si dangereux pour eux-m�mes et pour les autres, la plus grave des formes de leur agressivit� : le suicide.
On sait aujourd'hui que pr�s d'un tiers de ces filles ( qui au lieu de penser � fonder d'honn�tes familles et faire des enfants sains pour la patrie, pr�f�rent encombrer les services d'urgence ) ont �t� victimes durant l'enfance de s�vices sexuels graves.
Il semblerait que ce probl�me, jamais r�gl�, est pour beaucoup dans le chaos existentiel dans lequel elles se d�battent et qu'elles tentent de fuir dans la lib�ration de la mort.
Tiens ! Tiens ! Il n'y aurait donc pas que le vertige m�taphysique et les ajustements hormonaux difficiles pour expliquer le suicide adolescent.
Rappelons que l'adolescence � la fois comme signifiant (le mot dans la langue ) et comme signifi� (la r�alit� psycho-sociale qu'il d�signe ) n'existe que par rapport /comparaison/ opposition aux autres �tapes de la vie et en premier lieu l'enfance.
Or ce que nous savons de plus en plus de cette derni�re nous rendrait l'adolescence plut�t sympathique pour ne pas dire franchement rassurante.
Deux hommes ont saccag� notre vision imaginaire de l'enfance : Sigmund Freud d�s la fin du XIX si�cle et Henry Kemp au milieu des ann�es soixante du d�funt XX �me.
Le premier a montr� que la sexualit� et l'agressivit� n'attendent pas l'adolescence pour exister. Elles sont omnipr�sentes durant l'enfance, simplement elles y ont des modes d'expression qui lui sont propres.
Le second a montr� les ravages que font l'agressivit� et la sexualit� de certains adultes sur ce m�me enfant travaill� par ses propres impulsions.
Tous les deux ou trois ans, il y a un grand festival mondial de l'horreur, qui s'appelle le Congr�s de l'International Society for Prevention of Child abuse and Neglect'' (IPSCAN) fond�e dans les ann�es 60 par ce tristement c�l�bre Henry Kemp.
Celui tenu en 2000, � Durban en Afrique du sud, n'a pas d��u les amateurs des grands d�ballages. On peut m�me dire que se fut un grand cr�.
En g�n�ral ces d�g�n�r�s d'occidentaux viennent avec leurs statistiques effroyables sur les d�vastations psychologiques des crimes sexuels, violences et autres maltraitances plus subtiles.
Mais nous autres gens du sud ( prot�g�s de telles turpitudes � la fois par nos nobles et grandes valeurs religieuses et familiales et surtout par nos solides dictatures qui nous emp�chent de fouiller dans les coulisses politiques et les poubelles sociales sauf pour manger ) nous n'avons � pr�senter que de plates �tudes sur le servage de centaines de millions d'enfants ou sur ces peccadilles que sont quelques dizaines de millions d'enfants � la rue.
R�sumons : Entre 10 � 20% des enfants occidentaux et pas moins de 50% des enfants du tiers monde ont eu tous la m�me mauvaise id�e : Na�tre.
Comment s'�tonner d�s lors de trouver tellement d'�tres endommag�s � l'adolescence ?
Je m'�tonne soit dit en passant que mes �minents coll�gues �pid�miologistes n'aient pas rep�r� � ce jour que la naissance est le premier facteur de risque pour tous les probl�mes de sant�. Voil� une piste � creuser pour les enrag�s de la pr�vention : Ne pas na�tre pour ne jamais tomber malade.
On revient en g�n�ral des congr�s de l'IPSCAN avec la d�cision ferme et d�finitive de d�missionner du genre humain et de nier tout lien de parent� avec une esp�ce de bip�des carnivores pratiquant la torture, qui pullulent � la surface d'une plan�te appel�e Terre comme des asticots sur de la viande faisand�e.
Il faut beaucoup de temps pour ramener l'aiguille de l'humeur � une position centrale en se consolant comme on peut. On commence par bougonner en se disant que 80% des enfants Occidentaux ne subissent que des traumatismes mineurs et ne s'en tirent pas trop mal, la preuve en est leur joie de vivre et leur remarquable r�sistance � l'hygi�ne, l'amour parental et l'�ducation.
Puis vient le temps de la relativisation.
Le viol des corps et des consciences ne constitue que l'extr�mit� du spectre des comportements humains. A l'autre extr�mit� il y a le don de soi, la compassion, l'affection la plus d�sint�ress�e. Entre les deux bouts, se succ�dent toutes les nuances de la r�ussite comme de l'�chec de la communication et de la collaboration entre les �tres.
D�culpabilisons enfin car rien n'est plus inutile et contre productif en th�orie comme en pratique que de culpabiliser l'homme.
De toutes les fa�ons c'est l� la fonction des pr�tres non des m�decins
Freud r�pondait aux parents anxieux lui demandant des recettes pour faire de leurs enfants des �tres heureux et �quilibr�s : ''faites ce que vous voulez, vous ferez toujours mal ''.
A ce premier niveau de l'analyse on peut donc affirmer que l'adolescent est dangereux non parce qu'il est mais par ce qu'il r�v�le sur son entourage et sur son pass�.
Dans le proc�s que lui a intent� mon th�sard, il ne devait pas �tre l'accus� mais le t�moin � charge.
Mais l'adolescent n'est pas qu'une histoire personnelle plus ou moins tragique qui serpente entre les nombreux �cueils de l'existence.
C'est un �tre social donc politique.
Et c'est l� le deuxi�me niveau du probl�me.
Si l'enfance est un regard neuf port� sur le monde, l'adolescence est un regard neuf port� sur la soci�t�.
Il jette sur elle le regard de l'�tonnement, de la perplexit� de l'indignation mais surtout celui de la subversion.
Il a vite fait de rep�rer toutes les anomalies d'une soci�t� hypocrite qui fonctionne en permanence � la lisi�re des lois et principes affich�s. Il va vouloir changer le monde et devenir ipso facto une menace pour tous ceux qui ont trouv� des arrangements avec lui.
Il n'a aucune id�e de la formidable r�sistance qui va �tre oppos�e � ses projets grandioses et pusillanimes de r�forme sociale, plan�taire et intergalactique.
Il ignore que le monde est plein de vieux adolescents qui ont essay� de changer ce monde � leur image, mais qu'au bout du compte c'est lui qui les a chang�s � la sienne.
Il se laisse aller � la d�nonciation facile, inconscient du fait que cette r�volte si pr�cieuse qui le caract�rise, � toutes les chances de se perdre comme un torrent imp�tueux dans les m�andres du d�sert. Il ne sait pas � quel point elle est guett�e par le risque si fr�quent de l'h�donisme de la jeunesse, de l'arrivisme de l'�ge adulte ou l'amertume et la d�sillusion de la vieillesse.
Fort heureusement, un certain contingent arrive � survivre � toutes les tentations d'accommodement avec la doucereuse horreur du monde.
Et ce sont les adolescents jeunes, les adolescents d'�ge m�r et les adolescents de 50 � 80 ans, qui vont s'acharner � domestiquer sa d�mence et ce faisant le rendre un tant soit peu vivable.
L'ent�tement des adolescents �ternels n'a d'�gal que la r�sistance du monde.
Heureusement le processus est continuel, car les r�serves sont in�puisables.
L'adolescent �ternel menace donc un certain d�sordre des choses, mais pas seulement sur le long terme .
Si l'on consid�re que 30% de des lyc�ens en Tunisie sont en �chec scolaire, on comprend qu'ils soient d�prim�s, inquiets, susceptibles et puissent descendre dans la rue comme en Fevrier1999 pour exiger des solutions � des probl�mes qui n'ont rien � voir avec l'acn� ou le vertige m�taphysique.
D'une certaine fa�on, le d�sordre �tabli, a pris de gros risques en concentrant tous ces dangereux �cervel�s dans des espaces clos appel�s lyc�es, ou ils peuvent d�velopper une conscience de groupe pour ne pas dire de classe.
Si l'on consid�re qu'ils sont soumis � une double autorit� , celle de la famille et du syst�me �ducatif et qu'ils n'ont en contrepartie que des droits politiques forts limit�s, on mesure tout le potentiel explosif de cette population.
L� aussi la dangerosit� des adolescents ne fait que renvoyer � celle de l'autre, dans le cas �ch�ant � celui du d�sordre �tabli.
Celui -ci , est maintenu par une force omnipr�sente qui va de la manipulation la plus sophistiqu�e par les media et l'�ducation, � la virile brutalit� des escadrons de police anti-�meute.
Pour se maintenir, il doit se faire mena�ant.
Dans le domaine psychique comme dans le domaine physique , toute force dans un sens suscite une force de m�me nature et de sens contraire . On ne peut se faire mena�ant sans rendre l'autre dangereux et donc se se sentir menac�.
L'adolescent n'est que l'un des spectres qui hante les cauchemars du d�sordre �tabli .
En r�alit� ce dernier peut-�tre compar�, toute proportion gard�e, au paria de la soci�t� indienne ou japonaise.
La menace y est g�r�e de la m�me fa�on. Le paria est une r�alit� objective. Il est l� et maintenant . Mais les principales caract�ristiques qui font sa sp�cificit� de paria sont des donn�es fantasmatiques qui renvoient plus � la dangerosit� du ''cr�ateur'' du concept qu'a celle de la ''cr�ature'' d�sign�e par lui.
L'agressivit� de l'adolescent, comme celle du paria, n'est rien d'autre que le passage � l'acte d'une souffrance qui n'en peut plus.
Le couple indissociable souffrance-agressivit� est donc une d�fense contre un environnement mena�ant et dangereux.
C'est une r�action normale � une situation qui l'est beaucoup moins.
Qu'il s'agisse du niveau personnel ou politique, on peut esp�rer trouver des solutions de repl�trage au probl�me : essentiellement la panoplie des th�rapies durant les phases aigu�s et l' int�gration aussi rapide que possible dans le d�sordre �tabli.
En r�alit� Je ne connais pas de moyen plus efficace que le partage de la souffrance entre l'adulte et l'adolescent : un partage ou l'on est ensemble pour passer l'�preuve et non seulement c�te � c�te ou face � face pour la subir.
Il y a h�las un troisi�me niveau au probl�me ou la souffrance-agressivit� n'a aucun traitement .
C'est ici qu'il faut faire la distinction entre ce qu'on pourrait appeler la dimension existentielle de l'adolescence et ses dimensions pathologique ou politique.
Woody Allen a fait remarquer tr�s justement qu'on ne pouvait pas d�cemment exiger de l'homme qu'il soit d�contract� quand il est guett� par la mort.
Freud, ce grand oiseau de mauvaise, a �nonc� une autre terrible v�rit� sur l'existence.
''Vivre c'est vivre diminu�''.
Rien ne peut donc combler le trou existentiel � jamais b�ant.
Ainsi l'amour le moins �touffant, l'�ducation la plus adapt�e, la soci�t� la plus juste ne peuvent prot�ger de la souffrance, de la peur, de l'angoisse.
Ce sont l� des exp�riences li�es au caract�re dangereux de l'existence humaine elle-m�me.
C'est une inutile folie que de vouloir qu'il en soit autrement puisque notre existence est par d�finition fragile et �ph�m�re.
Nous commen�ons � soup�onner ces terribles v�rit�s d�s l'enfance, mais nous n'en devenons s�rs que pendant l'adolescence.
L� il n'y a personne sur qui cogner.
Ceci nous ram�ne � grande question classique : Que faire ?
Ent�t� comme je suis, je persiste � croire que seul l'azote liquide nous sauvera.
Il faut simplement �largir l'indication � toutes les �tapes de la vie puisqu'elles sont aussi dangereuses les unes que les autres.
Ainsi nous na�trions tous dans le b�n�fique liquide. Nous y passerons une existence tranquille et nous pourrons nous y dissoudre une fois la vie biologique �puis�e.
Mais voil�, il semble que cela ne marche pas non plus.
Philipp Dick, a explor� les implications d'une telle situation dans l'un de ses romans les plus hallucin�s.
Ubik, le h�ros(un adolescent comme par hasard) passe sa vie morte � r�ver mais il ne fait que cr�er des existences encore plus cauchemardesques que celle que nous r�vons dans la vie vivante.
Autant le faire d�s lors, non dans un environnement aseptis� et confortable, mais dans une r�alit� ou contre le lourd tribut de la souffrance-agressivit�, nous pouvons voler au monde tout son or et ses diamants, en extraire tout ce qu'il peut receler comme joie, humour, panache, effronterie, musique, amour et beaut� ; toutes pratiques et valeurs qu'incarne l'adolescence plus que toute autre phase de la vie.
Vivre, comme dit Nietzche c'est vivre dangereusement et c'est probablement mieux ainsi.

Moncef Marzouki




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